MOURRIR DE FAIM: HOLODOMOR !
Holodomor, un génocide oublié
Orchestrée par le régime soviétique, la grande famine d'Ukraine fit plus de 4 millions de morts. Un crime dont on commémore, aujourd'hui, les 80 ans.
Viktor Iouchtchenko et sa femme se recueillent au mémorial de l'Holodomor, 2009 - Mykola Lazarenko/AP/SIPA
Quatre-vingts ans après la grande famine qui a frappé l'Ukraine soviétique en 1932-1933, coûtant la vie à plus de 4 millions de paysans, les documents historiques attestant que ce crime stalinien fut en réalité un génocide se multiplient.
Un colloque historique international consacré à l'Holodomor («extermination par la faim», en ukrainien), organisé fin novembre à l'Institut des langues et civilisations orientales (Inalco), à Paris, ainsi que la publication d'une prophétique correspondance diplomatique*, compilée par l'historien italien Andrea Graziosi, devraient contribuer à dissiper ce qui demeure, en France, un tabou hérité de la guerre froide.
Qualifiée de génocide par le Parlement ukrainien, en 2006, la grande famine de 1932-1933 a depuis été reconnue comme tel par 24 pays - dont les Etats-Unis, le Canada et l'Australie, trois pays à fortes diasporas ukrainiennes, mais aussi par l'Espagne, les pays baltes et d'Europe centrale, et la Géorgie.
Mais ni la France, pourtant si friande de lois historiques, ni la Grande-Bretagne ou l'Allemagne n'ont franchi ce pas, un silence que l'historien Nicolas Werth n'hésite pas à attribuer, en ce qui concerne l'Hexagone, à l'«effet Stalingrad» - autrement dit, à la réticence à critiquer l'allié soviétique grâce auquel la bête nazie fut terrassée.
Pourtant, ce crime méticuleusement organisé par Staline, pour la première fois publiquement évoqué sous la perestroïka de Gorbatchev, est étayé par de nombreux documents : les résolutions secrètes du Politburo, la correspondance de Staline avec Kaganovitch et Molotov, chargés de collectiviser l'agriculture en Ukraine, ne laissent aucun doute sur l'intentionnalité et la cible de ce crime, deux conditions de la qualification de génocide. Raphael Lemkin lui-même, inventeur du terme, avait qualifié en 1953 la famine de «génocide soviétique» contre la nation et la culture ukrainiennes.
Briser la résistance idéologique
Pourquoi, dans ces conditions, les trois pays les plus importants de l'Union s'obstinent-ils à rester silencieux ? Craignent-ils de déplaire à Moscou, où une majorité de politiciens et d'historiens persistent à considérer la grande famine comme, sinon un simple dommage collatéral, du moins une tragédie parmi tant d'autres, dépourvue de spécificité ethnique ?
A l'époque où des millions de paysans périssaient, en Ukraine et dans le Kouban russe voisin, majoritairement peuplé d'Ukrainiens, condamnés à mort par un régime qui voulait briser leur résistance idéologique, «les diplomates français n'ont pas brillé par leur perspicacité», note Werth, contrairement à leurs confrères italiens.
Ces derniers, déployés par un Etat fasciste peu suspect de sympathie à l'égard de Moscou, et implantés dans une demi-douzaine de villes, dressent un tableau et une analyse étonnamment lucides de la situation dans la région de Kharkov, aujourd'hui majoritairement peuplée de «russophones» - ces descendants de colons justement envoyés sur place pour combler la saignée démographique causée par la famine.
Andrea Graziosi: Lettres de Kharkov, la famine en Ukraine, 1932-1933, éd. Noir sur blanc, 280 p
LES FILMS INTERDITS EN FRANCE POUR DES RAISONS POLITIQUES SUR L'HOLODOMOR
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