LA RÉVOLUTION EN MARCHE
Emmanuel Macron publie son livre constat "Révolution" ce jeudi chez l'éditeur XO. En 16 chapitres et 270 pages, l'ancien ministre de l'Économie dresse le constat d'une France dans le besoin impératif d'une révolution socio-libérale.
Le premier chapitre intitulé "Ce que je suis" est le seul au sein duquel Emmanuel Macron se livre sur sa vie personnelle. Il y évoque ses modèles, une grand-mère enseignante, son "enfance dans les livres, un peu hors-monde", et "une vie immobile, dans une ville de province française", cite le Parisien
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"Un amour d'abord clandestin"
Ce fils de médecins aborde aussi le sujet de son mariage avec son ancienne professeure de français, de 24 ans son aînée. "Un amour d'abord clandestin, souvent caché, incompris de beaucoup avant de s'imposer", décrit le candidat à la présidentielle. Son mariage à 30 ans, le 20 octobre 2007 à la Mairie du Touquet, est la concrétisation d'un amour adolescent. A 17 ans, Emmanuel Macron alors élève en première au lycée La Providence à Amiens, tombe amoureux de sa professeure de français.
"Après quelques années, j’avais réussi à mener la vie que je voulais. Nous étions deux, inséparables, malgré les vents contraires, écrit-il. Progressivement, ma vie s’est remplie de ses trois enfants, de leurs conjoints (…) et de nos sept petits-enfants (…) C’est pour eux que nous nous battons (…) Notre famille, c’est mon socle de vie, mon rocher", détaille Planet.
À l'histoire d'amour interdite s'oppose une ascension plus classique, entre le lycée Henri IV à Paris où il obtient un bac S avec mention très bien puis effectue une classe préparatoire BL, l'ENA à Strasbourg, la banque Rothschild, l'Elysée puis Bercy.
"Le manque terrible d'imagination" du gouvernement actuel
Tiré à 200.000 exemplaires, le livre a également pour but de prendre le pouls de la France. La candidature Macron intéresse-t-elle les Français?
Emmanuel Macron tente de purger son image de banquier d'affaires. Il qualifie son ancien poste de "métier de conseil où ce qui a de la valeur, ce sont les hommes". Sur sa collaboration avec François Hollande quelques années après, il reste très discret. Il revient en revanche sur le procès en trahison à son départ du gouvernement, "Je mets sur le compte de la distraction les propos tenus par le président de la République sur la dette que j'aurais eue à son égard".
L'ancien ministre de l'Economie évoque le gouvernement Hollande dans des termes très durs.
"L'absence de renouvellement des idées et des hommes, le manque terrible d'imagination et l'engourdissement général, m'ont montré qu'aucune action utile n'était possible", justifie le candidat à la présidentielle, cité par Europe 1.
Les solutions d'Emmanuel Macron
Quelles sont alors ses solutions? L'ancien ministre se pose comme celui qui comprendrait le mieux l'économie mondialisée, aujourd'hui. Pourtant, bien que critique à l'égard du bilan Hollande, Emmanuel Macron propose un programme économique très proche de celui du chef de l'Etat. Il s'agit de relancer les investissements publics et privés, instaurer la formation tout au long de la vie, encourager le numérique et la transition énergétique. Il se distingue cependant par sa volonté d'une réforme des retraites qui signerait la fin des régimes spéciaux et serait favorable à une retraite universelle.. Tour d'horizon des idées les plus marquantes.
PROTECTION SOCIALE
C'est peut-être la réforme la plus révolutionnaire de Macron : le financement de l'assurance chômage par l'impôt et non plus par des cotisations sociales. L'Etat en assumerait donc la gestion en lieu et place des partenaires sociaux.
Le candidat compte aussi ouvrir les droits à l'assurance chômage aux salariés démissionnaires, pour leur offrir une requalification ou une formation, ainsi qu'aux indépendants, commerçants et artisans.
Emmanuel Macron dit en revanche ne pas croire du tout à la dégressivité des allocations chômage, ni au "revenu universel".
L'ancien ministre prône une réforme de la formation professionnelle, avec bilan de compétences, "obligation de sérieux et d'assiduité" pour les bénéficiaires et une
palette d'options, des remises à niveau de quelques semaines aux formations longues d'un ou deux ans.
En contrepartie, il réclame un renforcement des contrôles et des exigences en matière de recherche d'emploi et de formation :
"Au bout d'un certain temps de chômage, qui ne se forme pas n'est pas indemnisé" estime-t-il.
De même qu'un bénéficiaire qui refuserait une offre d'emploi "raisonnable" à l'issue de la formation ;
DROIT DU TRAVAIL
Emmanuel Macron souhaite "changer profondément la construction (du) droit du travail et permettre aux accords de branche et aux accords d'entreprise de déroger à la loi par accord majoritaire sur tous les sujets souhaités."
Il propose un "mécanisme clair de financement" des syndicats pour renforcer leur légitimité́ et leur donner les moyens de négocier. Ce sont les salariés qui orienteront vers le syndicat de leur choix des ressources apportées par l'entreprise.
Emmanuel Macron promet également la mise en place d'un plancher et d'un plafond pour les dommages et intérêts accordés par les prud'hommes en cas de licenciement. Ce projet avait été envisagé dans le cadre de la loi Macron sur la croissance mais a finalement été abandonné au profit d'un barème indicatif.
Emmanuel Macron promet une fiscalité́ qui "récompense la prise de risque" et l'innovation et laisse entrevoir une réforme de l'ISF : "Notre fiscalité́, et j'inclus ici l'actuel impôt sur la fortune, ne doit plus pénaliser ceux qui réussissent de leur vivant et investissent dans les entreprises et l'innovation."
RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES
Pour Emmanuel Macron, s'il n'est pas "pertinent de viser l'équilibre des comptes publics dans le contexte" actuel, il n'en faut pas moins réduire les dépenses publiques : "Plus que le déficit, le pilotage de nos comptes publics devrait passer par la fixation d'un objectif de dépenses publiques."
INVESTISSEMENTS PUBLICS
Trois domaines prioritaires : éducation/formation, transition écologique et déploiement de la fibre numérique sur l'ensemble du territoire planifié sur cinq ans.
Il propose de transformer en allégements de charges le crédit d'impôt compétitivité́ emploi (CICE) et promet "d'autres allégements et suppressions de cotisations sociales patronales", financés par des économies sur la dépense publique et une fiscalité́ sur la pollution ou la consommation.
Il suggère également de réduire les cotisations salariales ou payées par les travailleurs indépendants pour "augmenter sensiblement les salaires nets sans alourdir le coût du travail ni détériorer la compétitivité ou l'emploi".
Il estime en revanche que le compte pénibilité, mis en place par l'actuel gouvernement mais contesté par le patronat, ne peut pas être appliqué "partout de la même manière".
Emmanuel Macron propose de rétablir une police de proximité́ et un dispositif de renseignement territorial.
Il promet également de créer une "cellule centrale de traitement des données de masse de renseignement", à l'instar de ce qui existe aux États-Unis ou au Royaume-Uni, et de veiller à une articulation police-justice "plus efficace".
"Ce sont 10.000 fonctionnaires de police et de gendarmerie qu'il faut recruter dans les trois prochaines années", dit-il.
À quoi s'ajouterait la formation volontaire de 30.000 à 50.000 jeunes femmes et hommes pour la réserve opérationnelle.
En quoi est-il différent?
Le candidat marque surtout sa différence en terme d'éducation, de sécurité et à l'international. Les propositions sur l'éducation sont la priorité à la maternelle et au primaire, le retour aux classes internationales et bilingues ainsi que l'enseignement professionnel géré par les régions.
En terme de sécurité, Emmanuel Macron juge inutile l'état d'urgence qui, selon lui, donne raison idéologiquement aux terroristes. Il ne pense pas nécessaire de renforcer l'arsenal anti-terroriste qu'il juge suffisant, et privilégie une lutte idéologique sur le terrain, l'instauration d'une nouvelle police de proximité, une augmentation de 10.000 policiers supplémentaires et la réforme du renseignement au niveau territorial.
L'ancien ministre se positionne également pour la dépénalisation du cannabis au profit de contravention pour usage et détention.
À l'international, Emmanuel Macron propose de s'aligner sur les Allemands dans le dossier syrien, et d'adopter un dialogue intense et franc avec la Russie. Une série de propositions en somme assez classiques qu'il justifie.
"Cela fait 30 ans que nous naviguons à vue dans la mondialisation, et que nous n'avons pas su trouver la place qui devrait être la nôtre - celle d'une économie de l'excellence, de l'entrepreneuriat et de l'innovation, à l'avant-garde des grandes transformations numérique, culturelle et écologique", juge-t-il, cité par Les Echos.
"Je consens à être qualifié de libéral"
Emmanuel Macron évoque aussi sa filiation politique, sa proximité avec Michel Rocard et son ambivalence en tant qu'homme de gauche libéral.
"Si par libéralisme on entend confiance en l'homme, je consens à être qualifié de libéral (…) Mais si, d'un autre côté, c'est être de gauche que de penser que l'argent ne donne pas tous les droits, que l'accumulation du capital n'est pas l'horizon indépassable de la vie personnelle, que les libertés du citoyen ne doivent pas être sacrifiées à un impératif de sécurité absolue et inatteignable, que les plus pauvres et les plus faibles doivent être protégés sans être discriminés, alors je consens aussi volontiers à être qualifié d'homme de gauche", écrit l'ancien ministre de l'Économie, cité par le Huffington Post.
Un calendrier bien pensé
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Enfin, la parution du livre s'effectue dans un calendrier bien précis, deuxième étape après l'annonce de sa candidature à Bobigny en Seine-Saint-Denis. En fin de semaine il sera de retour à Amiens, sa ville d'origine, puis il est prévu que l'ancien ministre s'envole pour New-York dans les prochaines semaines pour améliorer son image à l'international. Un grand meeting est ensuite prévu à Paris; le 10 décembre, puis une tournée aux Antilles.